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Réaliser des tests-utilisateurs sur un site web : pourquoi ?

Première édition de cet article, mars 2003, site des webmestres associatifs : http://www.web1901.org/

Vous avez fini votre site, vous avez bien sûr organisé votre information en rubriques et sous-rubriques et conçu le principe de navigation idoine. Vous avez réalisé une charte graphique à la fois très belle et absolument efficace. Toutes les pages sont faites, les liens testés, les pages vérifiées sur différents navigateurs : bref, ça suffit, il est temps de mettre en ligne. Non ? Non ! Il est temps de réaliser quelques "tests-utilisateurs", pour corriger la grosse bourde et vous assurer que vos lecteurs s'y retrouvent. Voici pourquoi. Le "Voici comment" est traité dans l'article suivant : http://www.demaziere.fr/ergonomie/tests_comment.html

Remerciements :
- Catherine Letondal, pour sa sensibilité aux utilisateurs ("le souci de l'utilisateur, chez les informaticiens, c'est bien une préoccupation de femme…") ;
- Don't make me think, de Steve Krug, qui rend les choses simples (voir la bibliographie en fin d'article) ;
- Les différents testeurs qui ont bien voulu me confier leur perplexité devant mes sites.

Intuitif : qui procède par intuition (Larousse 2002)

Intuition : 1. Perception immédiate de la vérité, sans l'aide du raisonnement. 2. Faculté de prévoir, de deviner.

Foi d'ergonome, l'intuitivité, ça n'existe pas, sur le web. Le travail d'un bon concepteur de sites est justement de rendre rapide et facile le travail de compréhension, puis d'appropriation du site web, de son principe de navigation et de l'organisation de l'information, jusqu'à la réussite totale : l'internaute qui pense "pour obtenir telle information, il faut que je clique ici", qui clique, et qui trouve l'information à laquelle il s'attendait. Les tests-utilisateurs sont là pour ça : ils vous permettent de vérifier que votre site est clair, compréhensible et facilement utilisable, en observant attentivement comment des utilisateurs internautes, extérieurs à votre projet, y naviguent.

Les tests-utilisateurs vous permettent de vérifier la validité de deux aspects fondamentaux - et différents -, sur un site :

  • l'exhaustivité de l'information, son adécuation à la demande de l'internaute, la pertinence du regroupement des textes en rubriques et sous-rubriques, c'est à dire de l'organisation du contenu ;
  • la lisibilité du système : la charte graphique, le principe de navigation, la présentation des différents éléments servent-ils convenablement le contenu ? Le système est-il facilement déchiffrable, utilisable, mémorisable ?

Définissez soignement, dès le départ, ce que vous allez tester.

Revenons maintenant aux testeurs, les personnes qui vont étudier votre site. Il faut tout d'abord comprendre, et vous n'échapperez pas à cette première surprise, que personne n'utilise un navigateur web de la même manière : certains ne font confiance qu'au bouton "back", pour retrouver leur chemin, d'autres utilisent systématiquement la navigation de bas de page (1), lorsqu'ils arrivent à la fin du texte, et non celle du haut, que vous avez tellement peaufinée. L'évaluation de la fonction des espaces graphiques est également tout à fait personnelle, et pas toujours maîtrisable : l'espace "Nouveautés" que vous avez placé en page d'accueil, sera parfois utilisé comme barre de navigation globale, parce qu'il propose des liens, et qu'il a été immédiatement repéré par l'utilisateur.

Cette appropriation individualisée est indépendante de l'âge de l'utilisateur ou de sa maîtrise du navigateur et du web en général. Un internaute aguerri (et plus encore un concepteur de sites) aura uniquement comme avantage qu'il cherchera la logique de votre site, la trouvera (s'il y en a une…) et la mémorisera plus vite et plus sûrement qu'un apprenti-surfeur.

En résumé, l'internaute ne fait pas (souvent, toujours) ce que vous aviez prévu qu'il ferait : soyez humble, restez zen… Répétez avec moi : "c'est lui qui a raison, c'est lui qui a raison, c'est lui qui a raison…"

Il faut donc, lors de la phase de conception, penser aux différentes pratiques des internautes, débutants ou débrouillards, mais aussi aux lecteurs qui viennent pour la première fois, et à ceux qui reviennent chercher une information précise ou utiliser une fonctionnalité utile qu'ils veulent trouver tout de suite, sans perdre de temps. L'ergonomie consiste en faire que les chemins mènent tous à Rome, même ceux auxquels on n'a pas pensé. Il faut multiplier en somme les accès tout en simplifiant le principe général. Elémentaire…

Il va falloir tout recommencer ?

Personne donc n'utilise votre navigation de la même manière. On ne saurait penser à tout, mais rassurez-vous : les plus grosses incompréhensions apparaissent dès les trois premiers testeurs. Si l'architecture de votre site a été réfléchie, et la navigation créée en conséquence, les tests-utilisateurs ne mènent pas à tout recommencer : il s'agit uniquement de corriger le tir sur certains détails (qui peuvent être d'importance).

Les pros du test-utilisateur dénombrent trois types d'erreur, de la part du concepteur :
- les très graves, celles qui empêchent de trouver l'information (l'internaute se fait une fausse idée de la navigation, et finit perdu) ;
- les embêtantes, qui gênent ou ralentissent l'accès à l'information ;
- les considérations mineures, d'ordre esthétique.

Il faut rapidement corriger les premières, avant la fin des tests, pour vérifier avec les derniers testeurs que la bourde a été correctement réparée. Les secondes ?… Si vous avez une solution simple, allez-y. Sinon, tant que l'internaute trouve l'info… Pour les troisièmes, écoutez votre cœur.

Deux exemples :
- Dans le cas cité plus haut, de l'encadré "Nouveautés" trop grand, en page d'accueil, qui était pris pour la navigation, la solution a été très simple. Il a suffit d'en diminuer la taille, de décider qu'il ne contiendrait que trois informations, et jamais plus, et de modifier le titre ("Dernière infos !") pour renforcer l'idée d'un espace spécialisé. Les deux premiers testeurs s'y étant trompés, la modification a été réalisée avant le troisième, et plus jamais la confusion n'a été faite. C'était un gros handicap, qui n'a demandé qu'une page à modifier = 15 minutes de travail.
- Dans un autre site, toutes les pages d'accueil de rubriques comprenaient, outre la navigation vers les sous-rubriques en dépendant, un texte de présentation décrivant justement le contenu de ces sous-rubriques. Le lecteur, tout heureux de s'arrêter à lire et curieux du reste, cherchait désespérement les liens hypertextes dans le contenu (ben oui, comme certains liens ne sont plus soulignés, et même plus d'une autre couleur, on promène le curseur partout en cliquant nerveusement pour dénicher les liens…). Or le texte n'en proposait pas, puisque les sous-rubriques étaient clairement établies, juste au-dessus du titre : m'enfin, y faut quand même pas exagérer, s'était dit le concepteur !… Et bien si, il faut exagérer, et remettre des liens dans le contenu, voire veiller à ce que le texte de présentation permette bien de proposer toutes les sous-rubriques. Encore un écueil important, pour l'internaute, qui ne trouvait pas ce qu'on lui promettait : 6 rubriques = 6 courts textes à vérifier et à émailler des liens adéquats = 45 minutes de travail.

Ces erreurs étaient de type 1, de celles qui peuvent faire naître un sentiment d'échec chez votre lecteur, et la solution a été mise en place en moins d'une heure.

Le parcours du combattant en 30 minutes

On peut envisager de faire des tests-utilisateurs à différents stades de la réflexion, du développement du site [Vous trouverez la description de ces differents tests dans Steve Krug, {Don't make me think.}]. Les tests que j'ai réalisés ont eu lieu lorsque le site était terminé. Ils ont duré en moyenne 30 minutes (voir article suivant, "Réaliser des tests-utilisateurs sur un site web : comment ?"). Ils comprenaient deux parties, pour le testeur. Tout d'abord, dix minutes de "parcours libre", où le testeur se balade à son gré dans le site. Puis dix minutes de "parcours imposé", où vous lui demandez de trouver, à partir d'une liste de questions préparée à l'avance, des informations très précises, sur ce même site. Par exemple, pour un site associatif : le téléphone de la secrétaire, le rapport d'activité de l'année dernière, comment participer à la prochaine campagne de l'association, comment devenir membre donateur… (On tâchera de choisir des informations que l'internaute a réellement envie de trouver.)

Que se passe-t-il en 1800 secondes chez le cobaye-testeur ?

Comme vous l'y avez incité, le testeur se met à l'aise, et manifeste sa bonne volonté. Vous lui avez dit que c'était permis, voire obligatoire, donc il profite du "parcours libre" pour se promèner comme il veut dans votre site, tout d'abord au hasard, puis de manière plus planifiée. J'ai remarqué que son approche du site se faisait en plusieurs étapes :

1. Dans un premier temps, il clique et suit des liens (il a dû bien sûr tout de suite repérer comment se matérialisaient ceux-ci), et lit un peu l'information. Il utilise donc tout à la fois l'espace de navigation et l'espace de lecture. L'espace de navigation lui sert, au début, uniquement de réservoir à texte souligné/liens hypertexte, pour aller ailleurs. Bref, il clique sur tout ce qui bouge, et lit un peu.

2. Peu à peu, il tente de se faire une représentation de l'organisation de l'information (pour s'y retrouver). Il travaille à établir les liens entre la proposition que lui fait la navigation et le contenu à l'autre bout du lien : "Et si je clique ici, est-ce que je vais bien obtenir ça ?"

3. Puis il vérifie que sa représentation "fonctionne" (qu'elle se reproduit, et qu'il peut deviner ce qu'il y a derrière un lien). Il élabore un schéma de structure de l'information et le teste : il utilise maintenant l'espace de navigation pour s'y retrouver. "Ça marche !"

4. Si le schéma est stable, répétitif, fonctionnel, et lui permet de trouver une information précise, il l'adopte ; s'il est suffisamment simple, il le mémorise. " Ça y est, j'ai compris : c'est simple !"

5. Puis il oublie le schéma, en le mettant en pratique : c'est drôlement "intuitif", hein !

La preuve, vous pouvez tout à fait demander à votre testeur, lors du "parcours imposé", de retrouver une page qu'il a vue lors de sa promenade "libre" : s'il n'a pas compris et appris votre principe de navigation, ce n'est pas sûr qu'il la retrouve, car cela met en œuvre un tout autre type de conduite (trouver sciemment, en raisonnant, au lieu de rencontrer par hasard).

Convaincu ? Voyez donc comment faire, sans avoir à louer un studio d'enregistrement à Los Angeles : "Réaliser des tests-utilisateurs sur un site web : comment ?".

Bibliographie

- Don't make me think, de Steve Krug, éd. Paperback. Traduit en français sous le doux nom de "Zéro prise de tête", éd. Dunod, 202 pages, 28,24 EUR. Voilà un livre court et efficace sur l'ergonomie. Les trois derniers chapitres sur les tests sont excellents (pourquoi il faut absolument tester, quand, et comment faire pas cher). Avec ce livre, vous comprenez tout et vous êtes tiré d'affaire.

Si vous voulez trouver de l'info (en anglais) sur le web, tapez "user testing" sur votre Google favori. Voici une rapide sélection :
- "Why You Only Need to Test With 5 Users", du gourou de l'ergonomie Jakob Nielsen : http://www.useit.com/alertbox/20000319.html (en anglais)
- "Usability testing" : les tests-utilisateurs présentés par une web agency de San Francisco, http://www.gotomedia.com/downloads/goto_usability.pdf (en anglais)
- Un article d'une autre gourou de l'ergonomie, Jennifer Fleming : http://www.ahref.com/guides/design/199806/0615jef.html
- sur le site "Usable Web" (un portail proposant des liens sur le thème de l'ergonomie), une page de liens vers des articles sur les tests-utilisateurs : http://usableweb.com/topics/000878-0-0.html


Notes

(1) La navigation du bas, en texte seul, était pour moi une survivance du temps où l'on faisait des navigations tarabiscotées, avec des images, et où on offrait aux "pauvres" coupant le chargement d'images pour économiser la note de téléphone, une navigation alternative plus légère, mais en bas de page. M'apercevoir que certains internautes n'utilisent pratiquement que ça, pour naviguer dans un site, a été l'une de mes plus fortes commotions, lors de mes premiers tests. Je mets donc désormais partout des navigations "texte seul" en bas de page.

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Adam
   
 

Merci à Rodolpho Arellano, pour sa vision du paradis...
Ces pages sont optimisées pour tout le monde.
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